Passer au contenu principal

Habiter le mouvant

Intriqués
Jusqu’à ce que
Tout est là maintenant.

Il est des concepts devenus si familiers qu'il m'est difficile de les appréhender avec lucidité.

Le théâtre, c'est simple et pas facile.

Pour connaître un sujet il faut que je l'éprouve par l'expérience, directe ou indirecte, mais surtout il faut que je le défriche de toutes ses propriétés amenées par un contexte culturel qui a cherché à le rendre utile et pratique.

Je dois dépouiller le vivant de son anthropocentrisme et
Le théâtre
De son privilège bourgeois.

Le temps est de ces notions qui varient suivant là où on les regarde. La durée est une forme utile qui permet d'expliquer les causes et les conséquences dans ce que le temps anime dans le mouvement. 
Le temps est de ce type de notion qui se cherche une définition dans une mauvaise dimension. 
Nous pouvons nous obstiner à chercher le temps dans des appareils de mesure, dans ses variations propres ou dans d'autres manifestations isolées, il est peu probable que nous trouvions quelque chose de sensiblement convainquant.

Certaines choses nous sont perceptibles depuis une autre dimension. Elles sont le reflet seul qui nous est accessible aux sens et à l'intellect. Peut-il y avoir des abstractions constructives, comme le passé révolu et l'avenir incommencé ? Le temps peut-il n'être qu'une manifestation de l'espace et inversement ? 
Par ce type d'interrogation je me confonds dans un reflet qui est l'image déformée d'une autre image. Il me faut plutôt dériver le temps et l'épurer pour l'entendre.

Je dois faire abstraction de la parole et vivre d’expériences lucides.
Ce que je cherche ne peut pas être un objet.
Ce que je cherche ne peut pas avoir de définition.
Ce ne peut être qu'un mouvement,
Un conflit entre un infini et un incommencé.
Je cherche
Le présent mouvant.

Une chose doit souvent être simple pour être juste. Et pour cela il faut ne pas la parler jusqu'à la rendre à l'évidence.

Nous percevons la lumière. Nous partageons avec elle une dimension commune. Mais la façon dont elle traverse notre espace et notre temps est sans entendement. Sa vitesse est inaltérable. Si je cours derrière elle à sa même vitesse, je change sa vitesse propre qui augmente proportionnellement. Au même instant, sa vitesse n'aura pas changé pour le chat qui dort sur mon canapé. Elle est dans plusieurs référentiels différents, dans l'intrication même de tous nos référentiels, et dans le même temps. Incapable d'admettre la faiblesse anthropocentrique de ce résultat tout à fait magique, il me faudra admettre que sa vitesse est d'une singularité qui défini la physique du vivant. Ainsi la lumière devient un référentiel abstrait, insaisissable, inintelligible et donc universel.
La lumière est inintelligible parce qu'elle n'est qu'un mot, et ce que ce mot représente est beaucoup trop complexe pour être confiné dans un concept humain.
La lumière peut être visible, invisible, elle peut être une fréquence où une impacté, elle peut étre une couleur ou encore un faisceau, un champ et tout cela à la fois. Elle partage une dimension, en plus de la nôtre, qui nous est invisible et dont la lumière n'est qu'un reflet. Voici ce qui pourrait convenir dans une métaphysique du mouvant qui veut admettre que le corps crée des interprétations plus lucide que l'exercice de la pensée.

De la même manière, le temps est d'une autre dimension. Peut-être même dans plus de dimensions encore, comment savoir. Il est le temps de nos montres, le temps des lumières, le temps des époques, le temps des mémoires et des traces. Il est potentiellement une infinité de temps et de référentiels et 
Résoudre le temps en lui cherchant une définition est une ambition tragique. 

Mon esprit cherche à savoir 
Ce que mon corps connaît déjà.

Toute parole n'est qu'un commentaire porté à l'humanité.

Je suis un corps humain, un organe spécialisé à la vie sur terre.
Je dois rester humble.
Le temps est une épreuve qu'il faut dissoudre et je dois le vivre et l'admettre dans ma propre dimension.

Si je veux comprendre,
Je dois admettre que mon corps m'enseigne et 
Vivre puis
Admettre dans le souci de justesse
Par l'évidence, et
Dans une lucidité qui échappe à la mystique.

À quoi bon croire s'il m'est impossible
D'avoir fois en mon corps ?

L'acteur qui cherche à acter sa présence doit se positionner dans le bon référentiel de temps pour le jeu. 

Voici un de mes exercices favoris : 
Deux chaises, une cuillère et un acteur sont sur une scène de théâtre. On pose la cuillère sur une chaise et on demande à l'acteur de mettre la cuillère sur l'autre chaise, éloignée de deux mètres environ. On observe l'acteur et on remarque trois options possibles.
Première option : L'acteur, dans une dextérité artistique et un sérieux appliqué change la cuillère de place. Mais tout son mouvement fut habité par la consigne et il n'a pu vivre autre chose que cette consigne. Son esprit moteur a dissocié son corps dans une idée passée et obsolète faisant décrocher l'acteur du présent mouvant. Il n'y a pas de manifestation du vivant dans le respect d'une consigne. De la même façon, Il n'y a pas de jeu efficace dans la récitation seule pour le respect du texte.
Deuxième passage avec un autre acteur : L'acteur, dans une dextérité artistique et un sérieux appliqué change la cuillère de place. On le sent plus investi, plus traversé que le premier et de prime abord l'exercice semble alors réussi. Une fois le mouvement terminé la peur et l'angoisse s'installe sur le visage de l'acteur. Il attend son verdict ! Il a plongé son corps dans l'utopie de la réussite et c'était là ce qui le traversait. Il n'a pas été en mesure d'être traversé par son simple mouvement, alors fruit d'une validation amenée dans un avenir abstrait. Il n'a pas pas été en mesure d'acter son geste dans sa présence, son esprit moteur a dissocié son corps dans une idée future et incertaine faisant décrocher l'acteur du présent mouvant. Il n'y a pas de jeu possible pour l'acteur qui angoisse à être jugé.
Troisième passage concluant : L'acteur se prépare. Il cherche en lui le désir de déplacer la cuillère d'une chaise à l'autre. Il hésite, comme cherchant à n'être que désir. Le geste s'enclenche. L'acteur est en train de vivre avec passion une action tout à fait anodine. Une fois l'action terminée, l'acteur n'éprouve aucune satisfaction ni angoisse. Il est épris par le souvenir physique de son désir. Il est marqué par la trace invisible de son plaisir. Il ne pense qu'à une chose : recommencer. Il veut jouer. Il est dans le présent mouvant. son esprit moteur a disposé son corps dans un état dynamique et lucide propulsant l'acteur vivant dans un présent mouvant. 
Ces attitudes se remarquent avec l'entraînement, dans l'intention de l'acteur et par son langage corporel.

Être acteur, c'est acter sa présence. Sans présence au monde et sans présence à soi-même il ne peut y avoir de jeu. Le présent mouvant est la seule dimension pour
Le jeu, le
Lazzi et cette paix qui
Rend disponible au bonheur.