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Être humain

Un être humain est une mobilité, un organe mouvant et une métamorphose permanente. Il échappe ainsi à toute définition. Sa nature vivante lui évite de subir l'emprise de la limite. 
Quand l'esprit sait marcher, nager, voler, dans le juste accompagnement de son corps, il est en mesure de trouver ce mouvement qui permet une juste incarnation. C'est dans cet état que l'esprit trouve 
La conscience d'être, 
Par le transit des métamorphoses et 
Dans le champ du mouvant.

Cet état, dans le constat, qui permet d'échapper au monde des représentations, est une base nécessaire pour acter sa présence, et donc 
Un état nécessaire à l'acteur, le poète, le danseur, le peintre.

Je ne furète donc pas après une définition mais après une trouvaille, qui doit être le fruit d'un travail personnel, une longue déconstruction, une marche, appropriée et singulière à chaque individu. 
Je ne vais donc proposer ici qu'un exemple personnel de cette intention, un état de vigilance, que j'ai trouvé hors de la parole et qu'il m'importe d'investir dans la philosophie, la poésie et la mystique, pour qu'elle puisse être suggérée dans l'esprit d'un lecteur.

Je suis un être

Je cherche cet universel, cette base radicale, commune et inévitable, qui fait l'être. Je dois sortir mon être humain de son propre concept, pour ne plus être que dans le simple et évident constat de ma présence lucide. 
Je dois trouver et acter cet être que je suis quand je suis loin des regards quand,
Au milieu d'un bois, 
Mon nom a été oublié.

L’anthropocentrisme a déraciné l'être humain de sa Terre, 
Et il a fait de la Terre un ballon de football dont
Il faut se disputer l'engagement.

Je déshabille mon être humain de ses représentations, de mes représentations,
J'enlève chaque masque de chaque idée pour ne plus me voir que
Dans le plus simple regard. 
Mon regard quand je regarde hors de moi quand je suis enfin hors des images dans la subjectivité cristalline.

Je suis un corps humain j'ai 
Un ventre une bouche deux yeux deux pieds deux mains deux jambes deux bras des poils des veines sous une peau un sexe et tout est articulé et un squelette des tibias
Une inspiration
des côtes des rotules un crâne des oreilles un nez des paires de dents une langue une trachée des poumons un estomac un pancréas 
Une expiration 
Un foie un transit un nid des bactéries du sang des nerfs un cerveau un cervelet une moelle en cellules des acides désoxyribonucléiques des brins ribonucléiques des organites des charges et décharges dans le liant électrique dans ce corps dans son eau je suis un diaphragme le mouvement de l'intrication d'un organe puis un autre dans les rythmes intriqués de ma
Respiration.

Cette alchimie m'anime dans l'invisible des champs je suis comparable et confondu par le sol aux
Singes aux moutons aux vaches aux porcs aux poules aux serpents aux cerfs aux lézards aux lynx aux limaces aux chenilles aux lapins aux lièvres aux hiboux aux moineaux aux guêpiers aux fourmis aux pigeons aux rats aux mulots aux marmottes aux ours aux têtards aux manchots aux requins aux crabes aux pieuvres aux moisissures aux peupliers aux ciguës dans 
Le mouvement des présences par les respirations sur 
La terre dans la terre dans le ciel dans la mer dans la jungle au désert des montagnes percées de grottes où s'engouffrent les nuits des glaciers des rivières des canyons des volcans des failles en mouvement dans le champ du fer bouillonnant du cœur de la cellule cosmique de la Terre.

Ceci n'est pas une régression,
Ceci n'est pas une utopie c'est 
Notre condition commune, indéniable, et 
La promesse faite à tous les êtres depuis la nuit des temps.

Cette promesse, c'est
La promesse absurde d'une
Disponibilité à la joie au bonheur exalté dans le grand carnaval c'est 
Cela 
Être vivant.

L'être humain ne peut être que 
Humilité 
Face à cette condition invariable et
Il ne pourra jamais rien être d'autre 
Que cette promesse, sa

Tragédie annoncée.

Être, c'est tenter d'appartenir au monde et acter
Mon essence organique, animale, 
Dans le grand carnaval terrestre.

Comment pourrait-il en être autrement ?

S'entraîner à ressentir cela est plus puissant qu'une psychanalyse.

Je suis maintenant un corps humain 
Épluché et 
C'est ainsi que l'acteur neuf se présente sur une scène : 
"Je suis un corps humain".
C'est là l'identité primordiale de l'acteur. 
Seul constat évident possible 
Au regard qui me surprend sans mon masque.

C'est mon corps humain qui me tient au vivant et c'est celui-ci que je dois recouvrir et entendre et laisser parler, en deçà des artifices, 

C'est lui 
Qui fera le spectacle
De la beauté
D'un événement, d'un propos, d'une réaction, d'une folie, d'une réparation, d'une présence 
Humaine
Incarnée dans
L'autorité de son humble nature.

Ce corps humain qui nous est, qui nous parle dans l'écho invisible qui nous sépare de notre inconscient.
Cet inconscient qui n'a d'inconscient que le nom et qui se trouve dès qu'il semble accessoire de dire, de justifier et de commenter.

C'est là mon intimité juste, dans cette trace de ma promesse originelle dont je suis de nouveau responsable et sans laquelle ma vie n'aurait aucune 
Tension dramatique.

Je suis un être humain

Aussi, le théâtre étant une propriété humaine. Il serait déplacé, voir de mauvais goût, d'organiser un théâtre animal, perdu entre la crainte et le désir. 
Parmi les caractéristiques fortes de mon être humain se trouve
La plus cruciale :
Ma nature sociale, ma 
Part sociale
Indissociable dont 
La parole
Est le ciment.

Paradoxe du champ de l'être

Si je veux être un mouvement, être un champ, je dois être un paradoxe. Je dois Séparer le masque de mon visage.
Le visage est l'acteur.
Le masque est l'accessoire du comédien qui entre dans le monde des images et de sa société. 
La Terre est un carnaval, l'humanité est une mascarade, le théâtre est leur conciliation.

C'est ainsi que la parole est devenue
L'artifice la fiction l'envers du drame la dissociation la tragédie l'espoir l'humanisme la règle la loi l'art les dieux la politique l'économie et tout ce qui était invisible et hors des corps. 
Et c'est ainsi que toute chose devient abstraite dès lors qu'elle est dite.

La parole c'est l'autorité sociale, une cruauté invisible,
Impalpable, 
La blessure de l’être quand il a été amputé de son corps et sa promesse.

La parole c'est la manifestation de ma communauté, mon implication dans sa culture, ma dévotion envers sa force dominatrice qui m'a permis de devenir humain plus qu'être pour m'émanciper de
L'intimité de la Terre et du ressenti qui me lie à elle. 

L'être humain est ce conflit, ce
Champ
Entre deux parts, entre 
Sa part intime et sa part sociale,
Son corps et son esprit, 
Son visage et son masque,
Ses actions et sa pensée, 
Son désir et sa volonté, 
Son mouvement et son objet,
Un conflit investi entre
La Terre et son image.

La dimension sociale de l'être humain est devenue régalienne. L'être humain et sa parole régissent maintenant la faune, la flore, la guerre, la géologie, la stratosphère, dans une insouciance qui frôle la condescendance.
Je dois réinvestir un juste équilibre et laisser la priorité à mon être naïf face à mon humanité insouciante, prédatrice et sans affect. Ainsi je serai l'acteur du vivant.

L'acteur du vivant doit scrupuleusement rendre au corps ce qui lui appartient, laisser à la parole ce qui lui est digne et 
Toujours
Chercher à exprimer ce qui échappe à sa pensée car
C'est à cet endroit qu'il doit acter,
Au nom des
Utopies concrètes.