Habiter le présent
Intriqués
Jusqu’à ce que
Tout est là maintenant.
Il est des concepts devenus si familiers qu'il m'est difficile de les appréhender avec lucidité.
Le théâtre, c'est simple et pas facile.
Le temps est de ces notions qui varient suivant de là où on le regarde. La durée lui donne une forme en expliquant les causes et les conséquences dans ce qu'il anime dans le mouvement. Le temps est de ce type de notion qui se cherche une définition dans une mauvaise dimension.
Nous pouvons nous obstiner à chercher le temps dans des appareils de mesure, dans ses manifestations isolées ou encore dans ses variations propres, il est peu probable que nous trouvions quelque chose de sensiblement convainquant.
Certaines choses nous sont perceptibles depuis une autre dimension. Elles sont le reflet seul qui nous est accessible aux sens et à l'intellect. Puisse-t-il y avoir des abstractions constructives ? Le passé révolu et l'avenir incommencé ? Le temps peut-il n'être qu'une manifestation de l'espace et inversement ?
Ici nous nous confondons dans un reflet qui est l'image déformée d'une autre image. Il me faut dériver le temps et l'épurer pour l'entendre.
Je dois faire abstraction de la parole et vivre d’expériences lucides.
Ce que je cherche ne peut pas être un objet.
Ce que je cherche ne peut pas avoir de définition.
Ce ne peut être qu'un mouvement,
Un conflit entre l'infini et l'incommencé.
Je cherche ce
Présent mouvant.
Une chose doit être souvent simple pour être juste. Et pour cela il ne faut pas la parler.
Nous percevons la lumière. Nous partageons avec elle une dimension commune. Mais la façon dont elle traverse notre espace et notre temps est sans entendement. Sa vitesse est inaltérable. Si je cours derrière elle à la vitesse de la lumière, je change sa vitesse qui augmente proportionnellement. Au même instant, sa vitesse n'aura pas changé pour le chat qui dort sur mon canapé. Elle est dans plusieurs référentiels différents et dans le même temps. Elle partage une dimension, en plus de la nôtre, qui nous est invisible et dont la lumière n'est qu'un reflet.
De la même manière, le temps est d'une autre dimension. Peut-être même dans plus de dimensions encore. Il est le temps de nos montres, le temps des lumières, le temps des époques, le temps des mémoires. Il est potentiellement une infinité de temps et résoudre le temps dans une définition est une ambition tragique.
Je ne suis qu'un corps humain, un organe spécialisé à la vie sur terre.
Je dois rester humble.
Le temps est une épreuve qu'il faut dissoudre.
Si je veux comprendre, je dois admettre que mon corps sait et
Le vivre puis
Admettre dans le souci de justesse
Par l'évidence.
L'acteur qui cherche à acter sa présence doit se positionner dans le bon référentiel pour le jeu.
Voici un de mes exercices favoris :
Deux chaises, une cuillère et un acteur sont sur une scène de théâtre. On pose la cuillère sur une chaise et on demande à l'acteur de mettre la cuillère sur l'autre chaise, éloignée de deux mètres environ. On observe l'acteur et on remarque trois options possibles.
Première option : L'acteur, dans une dextérité artistique et un sérieux appliqué change la cuillère de place. Mais tout son mouvement était habité par la consigne et il n'a pu vivre autre chose que cette consigne. Son esprit moteur a dissocié son corps dans une idée passée et obsolète faisant décrocher l'acteur du présent mouvant. Il n'y a pas de manifestation du vivant dans le respect d'une consigne. De la même façon, Il n'y a pas de jeu efficace dans la récitation seule pour le respect du texte.
Deuxième passage avec un autre acteur : L'acteur, dans une dextérité artistique et un sérieux appliqué change la cuillère de place. On le sent plus investi, plus traversé que le premier et de prime abord l'exercice semble alors réussi. Une fois le mouvement terminé la peur et l'angoisse s'installe sur le visage de l'acteur. Il attend son verdict ! Il a plongé son corps dans l'utopie de la réussite et c'était là ce qui le traversait. Il n'a pas été en mesure d'être traversé par son simple mouvement, alors fruit d'une validation amenée dans un avenir abstrait. Il n'a pas pas été en mesure d'acter son geste dans sa présence, son esprit moteur a dissocié son corps dans une idée future et incertaine faisant décrocher l'acteur du présent mouvant.
Troisième passage concluant : L'acteur se prépare. Il cherche en lui le désir de déplacer la cuillère d'une chaise à l'autre. Il hésite comme cherchant à n'être que désir. Le geste s'enclenche. L'acteur est en train de vivre avec passion une action tout à fait anodine. Une fois l'action terminée, l'acteur n'éprouve aucune satisfaction ni angoisse. Il est épris par le souvenir physique de son désir. Il est marqué par la trace invisible de son plaisir. Il ne pense qu'à une chose : recommencer. Il veut jouer. Il est dans le présent mouvant. son esprit moteur a disposé son corps dans un état dynamique et lucide propulsant l'acteur vivant dans un présent mouvant.
Être acteur, c'est acter sa présence. Sans présence au monde et sans présence à soi-même il ne peut y avoir de jeu. Le présent mouvant est la seule dimension pour
Le jeu, le
Lazzi et
La disponibilité au bonheur.