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Introduction

Penser, c’est chercher une phrase. Cette phrase se cherche depuis le corps, ses sensations, ses mises en mémoire. Écrire, c’est le geste de la pensée. En écrivant, je cherche à rendre son sens à la pensée.

En donnant du sens à ma pensée, j’atteins un nouvel état de l’écriture : La réflexion. Je mets en reflet ma pensée sur mon corps et mon corps en reflet sur ma pensée. Mon corps et sa pensée se regardent. Je suis, poète,

et donc je trouve.

Écrire c’est parler concrètement, c’est confier l’histoire de son souvenir à l’espace hors du temps, et ainsi s’en libérer.

Ainsi, libre, je peux réfléchir une cosmogonie du vivant pour libérer un théâtre radical et tout aussi vivant.

Nous tentons sans cesse de donner du sens à chaque moment et chaque événement que nous traversons. Nous tentons de donner du sens à notre vie en lui construisant une cohérence, tentons de donner du sens à nos choix, nos projets, nos souvenirs. Nous justifions telle émotion ou tel comportement en lui attribuant tel schéma de cause à effet. Nous désirons ardemment appartenir au monde et notre culture nous donne les codes du bon sens avec lesquels nous bâtissons notre histoire personnelle. L’épistémologie apprend à notre esprit rationnel que la raison est le pire ennemi de la raison, et qu’il n’y a pas meilleur moyen de succomber à la fausse vérité que de faire confiance à notre raison par des voies convenables et peu soucieuses des particularités de l’esprit.

C’est précisément ici que donner du sens perd toute substance. Donner du sens, c’est inverser le processus qui nous fait être. Le sens nous donne, c’est ici l’ordre naturel qui doit faire sens.

Chercher une phrase, c’est chercher une définition aux sens, une finitude. C’est donner à ses sens les mêmes limites que son esprit. C’est raisonner les idées et quitter le contexte du concret.

Il faut donc inverser cette idée de « donner du sens ». Il faut trouver ce qui part des sens et qui donne une forme au monde. Il faut inverser la pensée, il faut regarder depuis. C’est cela, le théâtre. Regarder depuis son intuition, c’est constater le mouvement et rester vigilant. C’est mettre ses sens dans le mouvement de son environnement. C’est admettre que l’objet ne peut rien être d’autre qu’une somme d’interactions. C’est admettre que l’objet n’est que l’illusion formelle d’une somme de champs et qu’il faut mobiliser tout ce qui est en notre pouvoir pour détruire l’objet et ses frontières, afin de n’en percevoir que ses interactions.

L’abstraction est une source

Où la beauté est la forme incarnée de la vérité.

Retourner la pensée pour échapper aux conventions morales, aux convenus inflexibles et aux limites du visible, ne doit pas se faire naïvement. Se donner aux sens est une chirurgie passionnante. C’est une introspection précise et vertigineuse. C’est l’acte poétique par excellence si elle est investie de passion. Se donner aux sens, c’est plonger au plus profond des abîmes ineffables pour y trouver le vivant et comprendre qu’avant cela, tout n’était que tragédie. Incarner le vivant, c’est chercher à fuir les cultures objectales des sociétés mécanistes pour laisser les rythmes des sens définir notre nature humaine dramatique.

Plonger dans la nature du théâtre, explorer les racines du vivant par le vivant lui-même et dans le laboratoire expérimental de la scène, c’est donner du sens à ce que je suis quand je suis en interaction, quand nous sommes liés par tout ce qui nous dépasse.