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Les émotions

De l'intériorité vers l'extériorité

Mon corps diapason,
En résonance avec
La musicalité du monde,
Est une danse invisible. Il cherche
La cohérence impensable à

Être

Hors de son intimité, dans
Un monde concret, commun, où
Tout est lié dans
Le brassage des danses dans
Les gestes convergents par
L'intrication des présences via
Le mouvement mouvant des joies promises.
---
Le chœur du cosmos
Est sans concession. Il est
Le mouvement mouvant des désirs et des gaietés,
Des instincts enthousiastes à
Vivre
Les engouements d'acter,
Puis enfin,
Jouer l'absurde
À la vie à la mort.

Cette fête grande et tragique, ce
Théâtre Cosmique,
Ne serait rien
Qu'agitation nulle sans
L'interprétation musicale
Qui porte l'invisible au concret et qui
Lie les dimensions par la
Saturation des climax rythmiques,
Dans le feu des interactions.
---

L'émotion
Est un diapason de cristal
Qui explose enfin
Vers la trace promise et
Dans la résolution
Harmonique des mouvements.
L'harmonique des mouvements c'est
Le théâtre du vivant.

L'émotion est ainsi pour le vivant :
Une perception mise en larsen,
Puis portée jusqu'à saturation
Dans un corps diapason qui
Cherche maintenant sa résolution via
Le geste juste et acté.

Le sentiment dans l'intériorité sature, il cherche sa résolution, son extériorisation.
le sentiment cherche à s'extérioriser, se rendre, s'accoucher d'une réaction
Rendue intelligente par
L'harmonisation musicale du corps.
Alors le sentiment durci, il se densifie, il devient l'abcès indésirable dont la brèche est l'émotion.
Et le geste jailli au monde.

Cette émancipation musicale, cet acte de transposition de la musicalité invisible vers l'événement concret,
Il est le champ émotionnel, il est
Le mouvement intérieur fulgurant et engageant,
Doucement foudroyant,
Qui précède le geste.

L'émotion est cette interface qui lie la musicalité du corps, son état, à l'évènement concret,
Vers une transformation de l'environnement et par la production d'une trace, visible ou invisible.
L'émotion est une invitation du corps vivant à la réaction, elle est la réaction même d'une concrétisation rendue nécessaire, et le geste est sa manifestation directe.

L'émotion est le vecteur de l’intériorité vers l'extériorité. Elle est la part intime qui se livre. Elle est l'outil social primordial. Ces masques sont un lexique musical, destiné aux semblables capables d'empathie. Le masque d'une émotion est le vocable qui indique la musicalité d'un corps, son état, pour qu'il devienne contagieux. C'est ainsi que la peur, la joie, la tristesse, la colère, la surprise, le dégoût, coordonnent des sociétés entières vers des actes et des pensées coordonnées.
Ces masques sont innés et définissent l'humanité en amont du langage et de tout autre délire égocentrique irresponsable.
Le masque émotionnel est un outil social. Il est le langage avant la parole. Il est épris par plus de justesse et de sens concrets que la parole ne le sera jamais.
Le masque de la joie est une symphonie dont le spectre soulève la terre et la porte au cosmos. Aucun poète ne peut relever le défi de parler cela.
Le masque de la peur déstabilise la pensée au point de la rendre folle, impossible de parler la peur viscérale.
Le masque du dégoût ne supporte aucun commentaire.
Le masque de la colère ne parle que d’excès, c'est là son urgence.
Le masque de la tristesse abandonne la parole, c'est seulement ainsi qu'il peut exister pleinement.
Aucune chance n'est laissée au langage. Il ne joue pas dans la bonne dimension.

Si l'émotion est l'apparition qui trahi la musicalité d'un être depuis ce qu'il perçoit, et qu'en même temps elle définit la nature sociale de l'être humain,
Alors la société humaine n'est qu'une somme d'entités perceptives, qui entrent en résonance pour s'ancrer dans le monde et surtout,
Pour le faire ensemble.

Participer au monde,
Dans une gaieté amoureuse,
C'est le contrat social de l'humanité
Dans sa chair la plus pure.

Mais certains s'en écartent.

Pour l'esprit seulement pensant, dissocié du corps, l'émotion n'est qu'une information redoutable, qui casse le système d'une idée et d'un projet. Pour l'esprit seulement pensant, l'émotion n'est que la manifestation absurde d'un état impensable, artefact inutile d'une humanité obsolète pour qui la sensibilité était la faiblesse des proies.
Pour l'esprit seulement pensant, l'émotion est la manifestation de l'absurde
À cet endroit redouté où l'absurde gagne
Par l'autorité indéniable de sa présence concrète qui crée l'évidence,
Aux dépens de toute logique rendue caduque et d'une pensée alors dépassée.
C'est là que le conflit de l'être pensant, l'être social, commence.
C'est à cet endroit du moment que la pensée devient volonté, par complexe, et que l'être humain perd son incarnation, au profit de son humanité anthropomorphique, et
C'est à cet endroit du moment,
Dans la tentation prédatrice et
L'autorité anthropomorphique de l'image,
Qu'il engendre la cruauté.

Quand on ne perçoit plus,
La seule cohérence possible avec l'extériorité,
C'est de la faire devenir.

C'est ainsi que la pensée
Est devenue volonté.

Cette volonté, souvent virile, est la source des tragédies.

L'émotion est un champ physique, de la musicalité vers la trace.

L'émotion est un fruit. Elle est le fruit dans l'arborescence inversée des musicalités. Elle est l'aboutissement et la finalité efficace de la musicalisation du corps. La tension harmonique invisible portée à la saturation, devenue stress organique, cherche une libération, une délivrance vers l'extériorité d'un espace concret,
Vers l'acte.
C'est l'émotion.

Sans la musicalité qui la précède, aucune émotion n'est produite, ou alors elle est formellement feintée, et cela parce que son caractère visible et concret porte en soi une valeur communicante puissante et universelle : une image, un masque. Cette qualité que porte l'émotion en elle, son masque, sa manifestation imagée, c'est ce qui induit la pauvre pensée que l'image suffit à la sociabilisation.

C'est également le masque associé à l'émotion, ainsi que le geste comme image corporel, qui permet de distinguer l'émotion du sentiment.
Dans un processus fluide,
L'émotion est dans la continuité du sentiment.
Un même sentiment peut donner, en fonction du tempérament du porteur, n'importe quelle émotion.
L'amour est un sentiment qui peut mettre en joie, en colère, rendre triste, provoquer un certain dégoût, surprendre, ou encore faire peur.
Si ce mouvement n'est pas respecté, s'il est inversé, alors il contient des éléments psychanalytiques précieux.

L'image ne peut pas être qu'une image ! De quoi l'émotion est-elle donc l'image ?
Elle est la trace d'un être mouvant.
Elle est la trace mouvante d'un être.

L'émotion est le résultat d'une perception mise en pattern et portée en résonance jusqu'à la saturation. Elle dépend donc directement des caractéristiques perceptives et musicales de son porteur. Son expérience et son tempérament influencent également la forme finale de l'émotion manifestée, et ainsi la trace produite, qui porte en elle toutes les mémoires contextuelles et psychanalytiques. L'expression gestuelle d'une émotion et tout ce qui caractérise l'individu sera ainsi rendue visible. La trace gestuelle ou physique.
C'est ici le terrain de jeu du comédien, de l'acteur, de l'artiste.

Créer un geste, une émotion, une trace,
Ne peut être autre chose
Que d'être amusé
Jusqu'à la saturation, Jusqu'à
L'inévitable trace,
Jusqu'à la trace rendue inévitable.

S'amuser c'est
Se laisser habiter par
Une muse
Dans sa musicalité.

L'acteur, le comédien, ne doit pas jouer une émotion. Il doit mobiliser puis devenir tout ce qui l'a précède pour enfin
La laisser s'échapper
Dans son apparence vécue,
Dans sa représentation la plus vive,
La plus juste.

L'engouement à vivre, matière première de l'émotion

Je note que
Sans l'engouement à vivre, l'émotion s'éteint.
Et de la même façon, au théâtre, sans l'enthousiasme à entrer sur scène, le jeu est subi. Le jeu devient manipulation chaotique d'image, motivée de ressentiments.
Il y a donc un lien étroit entre l'enthousiasme, l'engouement, cette joie essentielle à exister dans le théâtre du cosmos, et la génération d'émotions justes et incarnées.

Ce lien fort entre le moteur même du mouvement du vivant et la vie émotionnelle ne fait aucun doute. Ce qui est donc nommé émotion pourrait être la transformation, la métamorphose d'une joie originelle, source et mouvement du vivant. L'émotion serait la déformation du mouvement de l'élan vital, du conatus, du désir, de l'ānanda, de la gaieté, dans le jeu dionysiaque du corps inconscient et libre. Je garderai le terme bergsonien de l'élan vitale pour parler de cette joie qui, à la différence de la joie manifeste vouée à la réaction, est une émotion motrice vouée à la mobilisation de l'être dans sa présence incarnée et sa subjectivité. Et il est assez aisé d'apprécier la colère comme un élan vital contrariée, la peur comme l'élan vital inversée, le dégoût comme l’élan rendu dangereux, la tristesse quand celui-ci est rendu impossible, la surprise quand l'élan est stimulé, et la joie manifeste quand l'élan vital est libéré.
Si vous, lecteurs, vous êtes en mesure de considérer la joie hors de tout manichéisme, de considérer cette joie comme une densité à être plutôt que comme une satisfaction ou un contentement lié à la volonté,
Peut-être alors saurez-vous lire la colère comme une joie contrariée, la peur comme une joie inversée, le dégoût comme une joie dangereuse, la tristesse comme une joie rendue impossible, la joie manifeste comme la joie libérée, la surprise comme la joie interrogée.

L'enthousiasme s'entraîne. Pour ce faire, il faut mobiliser l’élan vital comme mouvement inconscient du corps. L'enthousiasme,
C'est la pensée
Mise en veille.

L'acteur doit mobiliser son enthousiasme. Son enthousiasme à être, vers la rencontre, l'imprévu, l'improbable, le mystère, puis entrer et tenir
Cet engouement.

C'est ainsi, et seulement ainsi, que le théâtre peu prendre vie.

L'émotion porte l'être dans son entièreté

L'émotion est une manifestation remarquable dans un spectacle. Souvent elle est attendue. C'est ainsi qu'elle devient un piège. L’émotion, même si elle est un objet précieux pour son public, ne doit pas être autre chose pour l'acteur qu'une manifestation ponctuelle et échappée de son principal soucis : vivre une musicalité rendue juste par un corps travaillé comme universel.

Cette universalité du corps n'a pour simple et nécessaire finalité que d'ouvrir ses propositions empathiques au public le plus large possible. L'acteur, contre toute attente, est souhaité le plus commun possible, sans autre caractéristique que sa capacité musicale à intensifier à la démesure les musicalités les plus variées.

L'émotion est la trace de la musicalité d'intériorité qui l'a fait naître. Cette musicalité est nourrie par le corps dans toutes ses expériences. L'expérience génétique du corps se superpose à l'expérience physiologique, qui se superpose à l'expérience empirique, imaginaire, psychanalytique, sensorielle, qui se superpose à l'expérience sociale, puis philosophique, artistique, et encore toutes les autres expériences variées qui seraient en mesure d'appartenir à cette personne et cela
Jusqu'au climax émotionnel qui
Crée une trace.
Cette trace, qui ne pourrait être que la trace d'un geste notoire,
Porte en elle toute la musicalité de la personne et avec
Toutes ses expériences, toutes ses utopies.
C'est cette charge qui donne toute la densité à l'émotion et avec
La densité de l'empathie qu'elle suscite.

Si vous comprenez ces lignes,
Vous ne pourrez plus entrer dans un musée
Sans succomber au brouhaha assourdissant de
Milliards de milliards
De traces,
Autant de traces qui suggèrent autant
D'émotions,
D’expériences,
Et de vies.

Note pour le pédagogue

La trace, le geste, étant l'image d'une émotion, l'émotion étant l'image d'une intériorité harmonique, il devient tout à fait judicieux pour le pédagogue d'apprendre à lire ces manifestations visibles afin d'adapter sa transmission. Cette capacité à lire la musicalité des personnes et de les interpréter ne nécessite pas nécessairement une connaissance absolue des textes de psychologie, mais plus nécessairement d'une sensibilité généreuse, vigilante, d'une grande endurance à l'observation et probablement surtout
D'une confiance en son universalité ;
Plus précisément,
En son impossible singularité.
Les divas son de piètres pédagogues.

L'émotion n'est pas une finalité

Ainsi, l'émotion ne peut pas être le fruit de la volonté. Elle doit rester une manifestation échappée,
Non pas qui trahit une intériorité, mais
Qui l'offre par nécessité.
Faire de l'émotion une finalité, c.est ne pas la résoudre, c'est ne pas lui trouver son geste associé. Faire ainsi de l'émotion un objet, un projet, une attente ou un désir, c'est le principe même du surjeu.

  • De la même façon, votre œil de comportementaliste naissant pourra peut-être déjà percevoir comment l'apparition d'une émotion créé des singularité théâtrales :
    Lorsqu'aucune trace visible ou invisible n'est générée, alors l'émotion reste et hante le corps, quand bien même l'emotion s'estompe, sa musicalité reste dans une mémoire vive du corps. Cet aspect du comportement a rendu les personnages de commedia, figés dans leur masques, plus proches de nous.
  • Quand une émotion reste vive, sans la résolution du geste, parce que la réaction aura été rendue impossible, alors l'émotion tentera une nouvelle résolution. Pour se faire elle viendra directement remplacer la perception sensorielle dans la gestation d'une émotion. L'émotion produite par le sentiment ne pourra donc pas être différente que l'émotion qui l'a nourrie, et l'être aurra un nouvelle occasion de générer une réaction.
  • Si cette réaction est rendue impossible par la structure psychique même du porteur, que cela est trop intimement lié à un interdit ou un impensable, alors la boucle infinie de l'émotion qui nourrit le sentiment sera en mesure de justifier les folie et les fatalités propres aux tragédies.

L'émotion est source de réactions, la volonté est source d'action.

Un geste, pour être beau, doit être juste. Pour être juste, il doit être le fruit d'une émotion, aussi infime soit-elle, elle-même devant être la saturation d'un sentiment, somme de musicalités perçues. Le geste engendré est donc directement lié à un évènement perçu. Il est donc tout à fait essentiel de préciser que l'émotion donne naissance à une réaction. Nous ne réagissons pas à l'émotion mais à une perception qui a été mise en pattern, l'émotion étant la réaction elle-même.

Dans le travail du jeu de l'acteur, il est aisé de constater la qualité d'un geste quand celui-ci a préalablement été incarné par l'amont du processus. L'acteur est alors investi, concentré dans son mouvement seul et sa parole n'est que le fruit de son état.

Si ce n'est pas le cas, c'est que l'émotion n'est pas l'origine du geste. Si l'émotion n'est pas l'origine du geste, alors c'est la pensée qui l'a générée. Cette pensée est une pensée d'action qui est la volonté. La volonté est le fruit de la pensée, elle est constituée par la même matière et appartient donc à