Lentement le cosmos
Lentement le cosmos
Lentement
le cosmos,
Lentement,
respire.
Lentement
Le cosmos,
Lentement,
S’essouffle.
Impossible de me déplacer.
Plus assez de place.
Plus assez de place pour
La raison,
Le mouvement.
Trop lent.
Je suis trop lent car
Le cosmos est trop court.
Je suis là et lentement,
Je suis
La proie facile du cosmos.
Aussi,
Je suis là et lentement et
Cela me suffit
Amplement.
Lentement seulement,
Je respire sans peine.
Lentement je ne vacille pas,
Lentement seulement
Je détends
Ma transpiration
Et ainsi l'eau fine convenablement
S'échappe.
C'est ce qui me diffère de l'arbre car
Je suis exactement
Entre
L'arbre
Et la vague.
Mon mouvement est court.
C'est ce qui me différencie de la vague.
Je me réfugie,
Loin du cosmos étouffant.
Je m'en vais,
Loin dans la lenteur ;
Je m'en vais au fond.
Au fond,
C'est intense et court et sans mouvement.
Au fond il y a de la place,
Et j'y prends un grand bain de respiration
voluptueux et immobile.
Dans le bien être calme et silencieux.
C'est là que je danse.
Je danse la lenteur et le profond.
Mes bras flottent et mes jambes
Sont attelées
À mon vaste canapé.
Je trouve le vide.
Le vide existe
Lorsqu'on sait l’apprécier ;
Lorsqu'on sait le danser.
C'est un aboutissement délicieux
Qui ne saurait attendre la mort.
Et alors
J'attends sans scrupule
Que rien ne se passe.
Je regarde les choses
Sans philosopher.
Elles sont belles toutes ces choses
Dépourvues de nature ;
Tout comme le fond de mon être
Ce fond d'absence parfaite :
Celui que je suis vraiment :
Un animal.
Un animal attend au fond de moi.
Lentement,
Il dort.
C'est ce qui le différencie de la vague
Et de l'arbre.
Ma lenteur le caresse
Pour habiter son sommeil,
Pour habiter ses odeurs,
Pour habiter ses chaleurs.
Lui cache sa tête dans son sommeil.
On ne les voit pas mais
Il a des dents immenses,
Des dents de loup plantées dans son crâne de grizzly.
Il dort en ours,
Chaud comme un loup.
Ses yeux sont ailleurs,
Abandonnés dans le nid du hibou,
Enveloppés dans les paupières de nuit,
Confondus parmi les œufs
Et collés de plumes fines ;
Oubliés des choses ;
Oubliés même du loup au crâne d'ours
Qui dort dans son oreille
Et qui se berce par sa respiration
Lente,
Dans son oreille et les yeux ailleurs.
Son ventre en bois,
Ses yeux ailleurs
Son crâne de grizzly
Et ses dents massives
Sont confinés dans le terrier
à l'oxygène rare.
Et le loup au fond
Danse son sang épais
Dans la nourriture de mon temps étalé.
Mon loup au fond,
Son corps lentement immense,
sommeille dans la graisse de mes attentes abouties
Attentes abouties d’événements
Manquants et heureux.
Sa graisse blanche et pure
Stratifie son ventre de souche
Par zébrures luisantes et lisses.
Sa graisse blanche et pure,
Qui zèbre son bois poli,
Fait de mon loup au fond
Une gourmandise.
Ce loup profond,
Est une épaisse gourmandise,
Logée en moi, déjà,
En moi profond ;
À sa bonne place.
Il transpire par sa graisse
Des sels et des sucres
Aux parfums d'épices animales.
Lorsque ma langue s'y applique,
Lentement je suis chaud,
Lentement les dents soudées
Lentement les yeux féconds,
Lentement je gonfle,
Lentement le museau électrique,
Lentement la vapeur des épices,
Lentement je susurre à son oreille
Lentement des bruits de vie
Lentement je m'incarne,
Lentement je le réveille.
Et des yeux sans poussière
Apparaissent dans mon crâne d'ours et
S'injectent de sucs vifs.
Lentement le muscle durci,
Lentement le loup se dresse,
Lentement la lune aspire le loup,
Lentement il ouvre sa gueule,
Lentement les dents se dessinent,
Lentement le poumon se déploie,
Lentement la gorge est ouverte,
Et l'air lentement encore immobile,
Encore, lentement immobile puis
Lentement le cou large laisse fuir et vibre l'atmosphère déployée de mes ennuis.
Le loup a grossi.
L'ours monstrueux grandit contre la paroi de mes chairs,
Lentement mon souffle haletant
Projette ses épices sauvages.
Mon propre fond est sorti,
Je me suis levé comme une aile de hibou.
Lentement, puissant, je regarde les choses et leurs usages et
Très vite,
Je me salis des lambeaux de mon canapé
Et de la femelle qui m'a réveillé et
Qui pleure maintenant en découvrant
Mes yeux fous de rapace.
Et puis,
L'amour aidant,
Celle-ci voit son regard transformé et
La jument aux yeux de biche
Applique ses doux naseaux dans le creux de mon fond
À fleur,
À Vif.
Elle enlace de ses courbes endurantes
Et nos fonds se fécondent finalement.
Lentement la forêt me pousse.
Lentement les geais
tissent les arbres.
Lentement la vague
amène le ciel.
Lentement,
Le cosmos
S'ouvre
Dans son fond.